Expédition 5300 : retour à Grenoble

le  13 mars 2019
La Rinconada au Pérou, la ville la plus haute du monde © Tom Bouyer - Expedition 5300
La Rinconada au Pérou, la ville la plus haute du monde © Tom Bouyer - Expedition 5300
Les chercheurs d'Expédition 5300 menés par Samuel Vergès, porteur de la chaire Montagne Altitude Santé, sont rentrés en France début mars après six semaines passées au Pérou dont deux à la Rinconada, la ville la plus haute du monde. Lesscientifiques sont revenus avec des centaines d’échantillons et de mesures qui vont leur permettre de caractériser, pour la première fois, sur le plan génétique, hématologique et cardiovasculaire cette population péruvienne vivant à une altitude oùle taux d’oxygène atteint les limites de la tolérance humaine.

Plus de 800 péruviens ont pu bénéficier d’une consultation médicale

© Tom Bouyer - Expedition 5300

873, c'est le nombre exact de péruviens qui ont été vus en consultation médicale par les membres d’Expédition 5300. 55 d'entre eux ont participé à un phénotypage biologique et physiologique complet, dans un laboratoire éphémère transporté par les scientifiques et reconstitué à chaque étape de l’expédition. Ces équipements leur ont permis entre autres de réaliser des mesures hémorhéologiques (viscosité sanguine, anatomie des globules rouges), des auscultations pulmonaires, des échographies cardiaques et une évaluation des perturbations du sommeil (apnée).

De précieuses données ont ainsi été recueillies pour la première fois sur cette population vivant en permanence à une altitude où le taux d’oxygène est deux fois moindre qu’au niveau de la mer.

Les premières mesures ont révélé des taux d’hématocrite supérieurs à 80%, alors qu’ils se situent habituellement autour de 40 à 50% pour les habitants des plaines. Une anomalie qui explique sûrement en partie les symptômes du mal chronique des montagnes dont souffrent 5 à 20% des habitants de haute altitude.

Place aux analyses

Pour comprendre plus précisément les mécanismes d’adaptation physiologique au manque d’oxygène qu’ont développés les habitants de la Rinconada, les scientifiques doivent maintenant analyser tous leurs prélèvements et traiter toutes les données récoltées durant les six semaines de l’expédition. Ces analyses biologiques et génétiques ayant un coût important, Expedition 5300 cherche encore soutiens et mécènes via la Fondation Université Grenoble Alpes.

Les résultats de cette étude inédite devraient permettre des avancées conséquentes pour les personnes résidant en altitude mais aussi le traitement de patients de villes de plaine souffrant également d’hypoxie. À terme, les chercheurs espèrent réussir à définir les prises en charge médicales les mieux adaptées pour les uns comme pour les autres.

© Tom Bouyer - Expedition 5300

Des projets à long terme

Ivan Hancco, Stéphane Doutreleau, Julien Brugniaux, Aurelien Pichon, Emeric Stauffer, Mathilde Ulliel-Roche, Yann Savina, Laura Oberholzer, François Esteve, Elisa Perger, Connor Howe, Tom Bouyer, Axel Pittet, Samuel Vergès… Toute l’équipe d’Expédition 5300 a été profondément marquée par cette expérience. Marquée par les conditions de vie rudimentaires, par le froid et la fatigue due à un sommeil perturbé, par les essoufflements et les céphalées dus au manque d’oxygène... Mais aussi par des journées extrêmement denses et physiquement intenses. Et surtout par les liens forts tissés avec la population lors de chaque rencontre.

"La population de la Rinconada est vraiment en attente" confie Samuel Vergès. "Ses habitants ne voient quasiment jamais de médecin et ils sentent bien que leurs corps peinent à cause du manque d’oxygène. La plupart sont très inquiets pour leur santé."

Pourquoi restent-ils ici ? "Pour vivre tout simplement" raconte Axel Pittet à qui s'est confié un mineur "assis sur la chaise, le casque solidement ancré sur la tête et les mains noircies par le travail." Car quasiment tous les habitants travaillent dans les mines d’or exploitées 24h sur 24. Mais malgré l'essor aurifère, La Rinconada ne dispose aujourd’hui toujours pas d’eau courante, ni d’égouts, ni de collecte des déchets… Les mineurs ne perçoivent comme salaire que l’or qu’ils découvrent le dernier jour du mois et qu’ils purifient eux-mêmes chez eux avec du mercure. Pollution et insalubrité mais aussi insécurité sont donc le quotidien de ces péruviens.

"On ne peut pas faire que de la science ici, les besoins humanitaires sont trop importants" reconnaît Samuel Vergès. Les membres d'Expédition 5300 travaillent donc déjà à un projet scientifique et humanitaire reposant sur la création d'un dispensaire franco-péruvien dans cette ville la plus haute du monde fournissant un soutien médical à la population, permettant la formation des soignants péruviens à la médecine d'altitude et la poursuite des recherches sur l'altitude auprès de cette population exceptionnelle. Partenaires, mécènes et collaborateurs pour un tel projet sont d'ores et déjà les bienvenus !

Les chercheurs d'Expedition 5300 sont rentrés de la Rinconada mais l'aventure est loin d'être finie...

Publié le  13 mars 2019
Mis à jour le  26 mars 2019